Exorcisme

Nous sommes, Johanne et moi, en visite chez des amis, lorsqu’une amie entre dans la maison. À peine entrée, Annie se dirige droit vers Johanne et lui annonce qu’une entité malveillante tente de prendre possession de son corps depuis la veille au soir. Annie prétend ne pas avoir dormi de la nuit. On le constate facilement à la regarder. Johanne demande à son amie de l’attendre au salon quelques minutes, le temps de terminer un ajustement sur un vêtement. Après une minute ou deux avec Annie, Johanne me pousse un cri d’urgence, proche de la panique : «Robert, viens vite ici.»

L’entité qui travaille depuis la veille à s’infiltrer dans le corps d’Annie vient de réussir. Elle est assise très mollement sur le divan et ses yeux tournent jusqu’à virer à l’envers. Mon ami Claude, une pièce d’homme de près de trois-cents livres rempli de muscles, s’assoit sur la gauche d’Annie à la demande de Johanne et Johanne s’assoit à sa droite. Comme Johanne me l’a déjà enseigné, je m’approche pour affronter l’entité avec une détermination certaine, mais aussi dans un respect absolu. Je me retrouve assis à cheval sur les genoux d’Annie. Mon visage s’approche graduellement du sien, je la fixe dans les yeux, en lui disant, d’un ton très sévère, qu’il n’a rien à faire ici. Je lui précise que nous vivons tous dans l’amour dans cette maison et je le conjure qu’il n’y a pas sa place.

Je sais, de Johanne, que les entités négatives détestent tout ce qui a trait à l’amour, à l’harmonie, à la joie de vivre. Je me sers donc de ce fait pour décourager l’entité de rester avec nous.

L’entité se sert du corps d’Annie pour rugir et gémir afin de m’impressionner. Les yeux dans les yeux, l’entité qui dit être le démon, me fixe en rugissant et en exprimant de la rage sur son visage. Tel un lion en cage devant lequel on balance une pièce de viande rouge, l’entité ne demande pas mieux que de m’insérer ses dents en plein milieu du visage. S’il veut m’impressionner, il réussit. Sachant que Johanne a tout ce qu’il faut pour affronter cet intrus, cela me donne du courage. Je le fixe dans les yeux, je vois le néant profondément encré au fond de son regard. Johanne et surtout Claude le tiennent fermement pour l’empêcher de m’attaquer physiquement. La figure crispée, le regard menaçant, ses rugissements, tous ses muscles tendus, j’ai la certitude qu’il va me cracher au visage.

L’affrontement dure environ dix minutes, durant lesquelles je lui répète d’un ton très ferme qu’il doit sortir de ce corps qui vit dans l’amour. Johanne m’a enseigné qu’il fallait être ferme et déterminé, mais opérer dans le respect. Il ne faut surtout pas provoquer une entité, cela pourrait devenir suicidaire. C’est donc dans le respect et dans une grande fermeté que je l’ai convaincu de sortir du corps d’Annie.

Ce n’est que lorsqu’Annie s’effondra, mollement sur le divan, que nous avons tous compris que l’entité avait quitté.

Serge, le propriétaire des lieux vint me voir après coup pour me dire qu’il a sérieusement pensé à s’enfuir à l’extérieur pendant le processus d’exorcisme.

Je lui ai répondu que si Johanne n’avait pas été là, je serais probablement sorti avant lui.

L’entité sortie, Annie n’a eu besoin que de quelques heures de repos pour ranger cet évènement dans ses souvenirs.

Tout cela pour dire que ce n’est pas un jeu que d’échanger avec l’au-delà.